Intw : AIM Paname

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Bravant le froid et la grisaille parisienne, je m’élançai à la rencontre d’un nouveau gang faisant revivre notre contre-culture : une bande de jeunes gens modernes ayant pour but de fédérer les groupes antifascistes et antiracistes de France, mais aussi du monde sous une même bannière… et rien que ça ! Car l’AIM c’est ça : la volonté de relancer cette contre-culture mondiale qui rassemble punk rockers, mods, skinheads, rockabillys, et activistes rouges et noirs, féministes et écologistes radicaux. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils y arrivent et donnent un souffle nouveau à notre scène, à force d’une volonté d’acier et d’une énergie sans faille… Ces gens-là me font furieusement fait penser à un groupuscule d’un autre temps, le légendaire Collectif Barricata, dans une version moderne et néanmoins actuelle. On les retrouve dans les luttes étudiantes et dans la rue à chaque mobilisation sociale. Alors on leur souhaite le meilleur : longue vie à l’AIM !

Membres de l’AIM-Paname présents : Romain, Kalem, Goui, Nico, Mathilde

Abloc : Est-ce que vous pourriez nous présenter ce qu’est l’AIM ?

Kalem : C’est l’Alternative International Movement, ça veut aussi dire « but » en anglais. En gros, pour faire simple, le constat qu’on faisait c’est qu’on se rendait compte que dans la scène Skin, contre-culturelle et parisienne, la place était tenue majoritairement par les SHARP. Ils étaient bien organisés, il y avait du monde à leurs concerts, beaucoup de jeunes allaient vers eux. Et on s’est demandé pourquoi chez nous, ça ne marchait pas spécialement… Il manquait un truc, même si il y avait Arak qui faisait des concerts et puis aussi Sick My Duck (SMD), et toute la clique… Il manquait un vrai mouvement de fond comme il pouvait y avoir à Barricata avant. Et on est parti de ce constat pour se dire qu’il fallait qu’on s’organise nous-mêmes pour reprendre et re-politiser la scène punk parisienne dans un premier temps, et puis après se fédérer avec des gens d’ailleurs.
Goui : Oui c’est ça, et puis en fait il y a un an, on avait fait la seconde édition de notre festival United We Stand, et on s’était rendu compte qu’il y avait beaucoup de kids qui venaient… Alors que pendant cinq ou six ans, c’était majoritairement une scène plutôt âgée, genre 25 ou 30 ans. Et là on a vu pleins de kids débouler, même cette année on en a vu pleins aussi. Et en fait, il n’y avait soit pas de lieu, soit pas de crew pour fédérer les gens, et qu’au bout d’un moment les jeunes arrivaient et qu’il n’y a rien qui se passait, sinon aller au Holly Holster (Ndlr : bar parisien) avec surtout des anciens, et c’est pas très politisé, loin de là…
Kalem : Même au Saint-Sau, bon tu viens boire un coup, et ok, c’est sympa, mais tu vas pas forcément avoir un échange avec quelqu’un et dire tiens on va se retrouver pour sortir ensemble ou quoi. Donc il n’y avait pas bande…
Goui : Et pas de projet, alors que les Parmentiers, (Ndlr : crew de skins SHARP qui traînent au Métro Parmentier), ou même d’autres crews, tu vois, ils font des concerts, ou bien des sound systems, ou d’autres choses. Et nous en fait on a vu qu’il y avait pleins de petites bandes éparses… Et clairement dans l’AIM, c’est pleins de bandes de potes qui se sont fédérées. Chacun avait ses activités de son côté, et on s’est dit qu’on allait essayer de fédérer tout ça pour discuter entre nous. Et c’est vrai que chez nous, on est assez transgénérationnel. Il y autant Rico (Rock & Bones) qui arrive sur sa quarantaine, que des kids qui n’ont pas encore vingt ans.

« Il manquait un vrai mouvement de fond comme il pouvait y avoir à Barricata avant. Et on est parti de ce constat pour se dire qu’il fallait qu’on s’organise nous-mêmes pour reprendre et re-politiser la scène punk parisienne dans un premier temps »

Abloc : Et comment vous êtes-vous tous rencontrés ? A quel moment ?

Kalem : Bah, en concert, surtout. Après le dénominateur commun, ça va être Goui…
Goui : Enfin plus Arak, en fait c’est en concert, et beaucoup les manifs. Honnêtement, je pense que les manifs Travail ça a grave rapproché beaucoup de monde. Parce que nous on a vu même dans Arak qu’il y a eu un changement. A la base c’était vraiment très StreetPunk à crête, à part deux qui n’étaient pas trop à crête… Et au fur et à mesure ça commençait à devenir de plus en plus tendu, et ça s’est aussi beaucoup rajeuni. Et on en a eu certains qui étaient de la loi Travail, et qui avaient dix-huit ans quand ils sont arrivés dedans. Et eux aussi sont arrivés avec leurs bandes de potes qui ont agrégés tout çà autour d’Arak… Et chacun a ramené ses potes, Nico, moi, après on a discuté avec Kalem, avec P’tit Bonhomme (Mathilde), qui est plutôt de Sick My Duck, et qu’on voyait souvent en concert. Et on s’est rendu compte qu’on partageait les mêmes valeurs, et qu’on avait aussi les mêmes objectifs.

Abloc : Et ces objectifs, vous pouvez les pointer ?

Goui : C’est la contre-culture…
Nico : Et l’abolition de la bourgeoisie (rires)
Tous : (Rires…) Oh, ça va pas recommencer, aller !
Kalem : Contre-culture, ouais, mais contre-culture politisée.
Goui : En fait on veut vraiment une contre-culture et pas une sous-culture.

Abloc : Fédérer la scène autour de cette contre-culture…

Kalem : Ouais, c’est un RASH, mais qui s’étend plus aussi aux Punks, aux gens qui écoutent du punk, du ska, ou j’sais pas… de la Soul…
Goui : Voilà, c’est pour ça que ça ne s’appelle pas RASH, c’est Kalem qui avait trouvé cet acronyme… et le A  c’est pour trouver une alternative à la musique commerciale ou même la musique de notre milieu où la plupart groupes, soit ils n’ont carrément pas de discours, soit ils en ont un mais il n’y a rien derrière… Donc c’est proposer une alternative, fédérer les gens. Et il y a pleins de trucs qu’on veut lancer, tu vois, il y en a ils sont plus branchés pour faire des Sound Systems, comme Kalem, P’tit bonhomme aussi, Romain…
Kalem : C’est même pas tant d’être branchés là-dessus, c’est vraiment se servir de nos différents savoir-faire et les mettre à contribution dans l’AIM, en fait. Moi, si tu veux, mon taf, c’est le graphisme, donc je file un coup de main. Et je fais des sound-systems, donc pareil… Arak et SMD ont l’habitude de faire des concerts… on en profite…
Goui : C’est ça, chacun arrive avec son background… genre P’tit Bonhomme, elle pourra parler après des Veuves Noires, parce que c’est quelque chose qui nous tient à cœur. Et au début c’était surtout des orgas de concert comme Arak, SMD, il y en a qui venait plus de Social Crash…Bon ceux qui étaient pas trop Shlaggitos justement (rires…), plutôt ceux qui étaient assez rigoureux et rigoristes… Donc au début c’était plutôt concerts, et puis on s’est rendu compte que… bah ouais, Kalem il fait du graphisme, t’en as certains c’est plus le graf, du coup avec les beaux jours on va pouvoir sortir faire des fresques de soutien. Bon il y a des musiciens, comme Nico Rock & Bones, Kalem est dans The Sambas, et puis après il y a d’autres groupes en train de se monter… même si on ne va pas en parler tout de suite… Après il y a mêmes des anciens… aussi (Rires), Brixton Cats, je ne sais pas si tu connais… ? (Rires) Donc il y a un peu de tout, voilà, il y en a qui savent écrire donc ils font des fanzines…
Mathilde : Après on est quand même plus ou moins tous issu de la scène Neuski, il y a énormément de mondes qui sont soit des anciens, soit des nouveaux, mais il fallait quelque chose de nouveau. Le RASH c’était quelque chose qui avait du vécu, c’était cool et on crache pas dessus, forcément ! (Rires) Mais il fallait donner un nouveau souffle, quelque chose de neuf.

Abloc : Et puis, ce qui est intéressant, c’est aussi de comprendre comment il y a eu ce shift entre la scène RASH et cet espèce de No Man Land qui a suivi, avec heureusement de bonnes orgas de concert, et l’arrivée de l’AIM qui marque, à mon avis, un renouveau réel de la scène… Et les raisons qui vous ont poussé à cesser d’utiliser le terme RASH pour fonder autre chose ?

Goui : C’est surtout qu’il n’y avait aucun membre historique du RASH dans l’AIM, et puis il n’y a pas que des skins dans l’AIM…
Nico : Ouais c’est ça, on massifie un peu, quoi… pour qu’il y ait du monde, si on reste que entre Neuski ça sert à rien, il faut s’élargir.
Mathilde : Après on est quand même plus ou moins tous issu de la scène Neuski, il y a énormément de mondes qui sont soit des anciens, soit des nouveaux, mais il fallait quelque chose de nouveau. Le RASH c’était quelque chose qui avait du vécu, c’était cool et on crache pas dessus, forcément ! (Rires) Mais il fallait donner un nouveau souffle, quelque chose de neuf.
Goui : Et en fait, chaque section est un peu à l’image de la ville. C’est-à-dire que nous, à Paris, c’est hyper mélangé, tu peux autant avoir des gens qui sont plutôt dans le syndicalisme, ou alors des totos, et puis t’as aussi malheureusement des anars (Rires), et t’as aussi pas mal de cocos. On mixe un peu de tout, alors que la section toulousaine, eux ils s’appellent clairement RASH parce que c’est tous des skins.

Abloc : Et alors, justement, vous comptez combien de sections ? Pour l’instant vous vous cantonnez à la France ou vous essayez de faire quelque chose de plus global ?

Goui : Bah, le « I », c’est pour international, donc déjà, tout ce qui est de l’autre coté du périf, ça commence à être international (Rires). Non mais, plus sérieusement, bah en France, de tête il y a Strasbourg, Toulouse, Bordeaux, Marseille qui est en train de se monter et qui font leur premier évènement ce weekend. Tu vois, par exemple, à Marseille, ils sont tous issus de la scène Skin, ils écoutent pleins de trucs différents, ce soir ils font un truc Rap, et la prochaine ce sera plus Oi ! HardCore… Il y a le NP2C (Nord Pas de Calais) qui est en train de monter sa section aussi. Il y a Lyon aussi, avec La Galle, et aussi d’autres individus qui ne sont pas affiliés à des collectifs et qui gravitent aussi autour. Et puis en Allemagne, il y a Brème, Potsdam, il y a Kiel…
Kalem: Le point de départ de l’AIM, en fait c’est le festival de l’année dernière. Il y a des gens qui sont venus de partout, comme des canadiens, entre autres,  et il y a des initiatives qui ont été prises, de se rencontrer, de discuter de ce projet. Et à partir de là, on a capitalisé sur le fait qu’il y avait pleins de gens de partout pour dire : « Est-ce que vous êtes chauds ? Vous repartez chez vous avec la p’tite brochure et vous allez convaincre les potes ».

Abloc : Mais donc c’est vous qui avez créée l’acronyme, ou il existait déjà ?

Nico : Non, c’est nous qui y avons pensé, on a lancé l’idée et puis on l’a proposé à d’autres gens.
Goui : Et les gens se sont fédérés…
Nico : Et puis il y a déjà des liens qui existaient entre des personnes, des individus, et le but c’était vraiment de mettre sur le papier tout ça pour le structurer.
Goui : Et voilà, et le truc c’est qu’on s’est rendu compte qu’à Paris et ailleurs, il y avait de petites initiatives par ci, par là, et que vu que ça ne fédérait pas, les gens avaient l’impression d’être tout seul et au bout d’un moment ils lâchaient l’affaire… On a vu des collectifs qui sont apparus dans d’autres villes, et ils ont lâché l’affaire parce qu’au bout d’un ou deux ans, ils avaient l’impression d’être tout seul dans leur coin. Et à force, les gens, ils se rendent compte qu’il y a des trucs qui se passent partout : je veux dire qu’on a des sections, même à Bogota, qui font des trucs assez stylés. Ils lancent des pourparlers de paix entre les FARC et le gouvernement… et je trouve que tout ça c’est assez cool.
Kalem : Le point de départ de l’AIM, en fait c’est le festival de l’année dernière. Il y a des gens qui sont venus de partout, comme des canadiens, entre autres,  et il y a des initiatives qui ont été prises, de se rencontrer, de discuter de ce projet. Et à partir de là, on a capitalisé sur le fait qu’il y avait pleins de gens de partout pour dire : « Est-ce que vous êtes chauds ? Vous repartez chez vous avec la p’tite brochure et vous allez convaincre les potes ».

Abloc : Et comment vous fonctionnez ? Vous vous réunissez ponctuellement ?

Nico : Les sections sont autonomes, mais elles ont des bases communes.
Goui : Mais on essaye de fonctionner ensemble. Tu vois, il y a des liens, entre individus déjà, et après il y a souvent des réunions qui se passent dès qu’il y a festival. Tu vois, par exemple en Amérique, les branches des Etats-Unis ou du Québec, ils se réunissent pour voir comment monter des projets structurés, et ils les proposent aux autres sections. Nous, avec Nico, on est allé à Madrid rencontrer le RASH Madrid, et pareil ils sont assez chauds pour nous rejoindre. Un pote de Lyon, lui, il est parti en Amérique du Sud, et il a rencontré différentes sections d’Amérique Latine. Donc ça fait qu’on a le Chili et la Patagonie qui ont rejoints, comme Bogota. Il y a une section à Cuba qui est en train de nous rejoindre aussi.
Kalem : Et puis soit c’est des trucs qui étaient déjà existants qui se greffent là-dessus, et c’est souvent des RASH, soit des groupes qui sortent d’Ex Nihilo et qui rejoignent.
Goui : Mais c’est surtout en France que ça sort Ex Nihilo, parce qu’ailleurs, le mouvement n’a pas eu de creux comme chez nous. Bon, Cuba, ça a trois ans maximum, mais à Bogota, avec le RASH Bogota, le GRABO, c’est des groupes qui existent depuis très longtemps. On dit aux gens d’aller lire le zine, il y a un article là-dessus. Il y a pleins de collectifs qui sont là depuis quinze ou vingt ans, comme au Mexique, qui sont en train de taper à la porte pour rentrer. Après, au Portugal, il y a le Braga qui existe depuis deux ans. Donc en fait, il n’y a qu’en France qu’il y ait eu ce gros creux, ailleurs le mouvement continuait. Il y a des changements de générations, chose que nous n’avons pas connue. Ici les gens se retrouvent comme des cons, tout seul, donc on les fédère.

« on est allé à Madrid rencontrer le RASH Madrid, et pareil ils sont assez chauds pour nous rejoindre. »

Abloc : Et alors, maintenant, moi j’aimerai bien parler de votre fanzine… parce que moi j’adore les fanzines. Je pense que c’est hyper important qu’il y ait des fanzines politiques qui parlent de contre-culture. J’ai vu déjà que vous avez adopté le format papier, vous allez vous y tenir ? Et pourquoi avez-vous voulu créer ce fanzine ?

Mathilde : Bon déjà, on a un fanzine pour les sections de France, et on est sur le point d’en créer un qui sera international. Après, pour le format papier, pour l’instant on va s’y tenir vu qu’on a un bon plan sur les impressions (Rires), faut que ça tienne dans le temps.

Abloc : Et alors pourquoi un fanzine, parce qu’après tout vous auriez pu choisir de faire un site internet ? C’est quoi, c’est la culture du fanzinat ?

Nico : On va faire les deux !
Goui : Et puis les gens nous le demandaient, en fait. Parce qu’il n’y a plus de fanzine à Paris, ou plus beaucoup… Et surtout, les fanzines qu’on pouvait lire ne nous correspondait pas forcément. Même si c’est plutôt bien fait, comme par exemple Rotten Eggs Smell Terrible, c’est bien foutu, mais moi, ça ne me parle pas. Les groupes dont on parle dedans ne m’intéressent pas forcément, c’est beaucoup de groupes punks années 80/90… Et puis politiquement, c’était pas ça… Donc il n’y avait pas vraiment de fanzine, comme Barricata, qui mélangeait vraiment le punk et la contre culture, la politique… et avec des référents plus actuels, aussi. C’est un peu ce qui manquait… Et les gens étaient en demande. Tu vois, le premier, on l’a d’abord tiré en 200 exemplaires et on a tout vendu en très peu de temps. Du coup on a dû refaire des rééditions, et on a toutes les sections qui nous en demandent pleins. Mais simplement, notre plan impression n’est pas illimité. Donc clairement il y a une demande, d’ailleurs même chez les plus jeunes, on pourrait croire qu’ils n’ont pas la culture du fanzinat papier et pourtant ils le lisent.
Nico : Et puis ça donne un objectif aux gens, tu vois. Par exemple si une nouvelle section se forme, qu’ils sont chauds pour rentrer dans l’AIM, après ils pourraient se dire : « on fait quoi ?! ». Et le fait de faire un fanzine, ça donne un objectif aux gens, et du coup ça les oblige à s’investir encore plus. Ils vont faire un fanzine, après ils vont faire des dates, organiser leurs propres concerts, et du coup ça crée une dynamique !
Goui : Et puis ça fait quelque chose de commun en fait, parce que c’est le fanzine à tout le monde. Nous, pour l’AIM Paris, comme disait Kalem et P’tit Bonhomme (AKA Mathilde), on a voulu sortir le fanzine au moment de la date… Et déjà, ça a mis Kalem en PLS, (rires), vu qu’il faisait le maquettage ! Mais surtout ça nous a mis une deadline, et ça a ressoudé tout le monde. Parce que plus de la moitié du crew a  écrit un article, une chronique ou quelque chose dedans, et du coup c’était un truc commun. En plus on avait une date commune, plus un truc commun à nous. Et après, on a le fruit de notre travail dans les mains. Et puis même, entre avoir un article assez gros sur un ordinateur ou sur papier… Enfin moi je sais que sur un écran, au bout d’un moment, à force de scroller, mon cerveau, il va zapper la moitié des trucs. Alors que sur papier, pour moi ça rentre plus facilement dans ma tête, et si j’arrête à un moment de le lire, je le reprends le lendemain. Alors qu’un article, globalement reprends assez rarement le lendemain sur un écran.
Nico : Tu peux le lire dans les chiottes, n’importe où ton fanzine, en fait…
Mathilde : Avoir quelque chose de matériel dans les mains, c’est toujours plus sympa.
Goui : Et puis, franchement la mise en page est super stylée ! C’est pas pour se vanter, mais…

« les fanzines qu’on pouvait lire ne nous correspondait pas forcément. (…) Donc il n’y avait pas vraiment de fanzine, comme Barricata, qui mélangeait vraiment le punk et la contre culture, la politique… et avec des référents plus actuels, aussi. »

Abloc : C’est vrai que les visuels sont très classes. Et je trouve que dans le deuxième numéro, on sent que vous avez passé une étape.

Mathilde : C’est la couleur ça !
Goui : Précisons bien qu’il y avait encore moins de temps pour le faire ! (Rires !)

Abloc : Et puis, vous allez me dire ce que vous en pensez, mais il me semble que de s’obliger à écrire un fanzine, ça oblige aussi à réfléchir, à mettre ses idées en place et par écrit.

Nico : Carrément, il ne faut pas être de simples consommateurs d’informations, il faut la produire aussi !
Kalem : Ce qui est cool aussi, c’est que pour ce fanzine, vu qu’il est national, chaque section de France a produit un article.
Goui : Et par rapport à ce que disait Nico, les autres sections aussi ont eu envie de se donner des deadlines. C’est-à-dire que Toulouse, là, ils vont faire une date, et ils veulent sortir un fanzine local sous la forme d’un quatre pages sur ce qu’il se passe chez eux. Bordeaux va faire la même chose. Donc ça motive les gens à avoir des projets ensemble, et avoir des dates… ils vont se lancer quoi ! Alors qu’à la base, ils ont juste fait un article de présentation de leur propre crew dans le fanzine national, et là maintenant, ils ont envie d’écrire des articles plus développés.

Abloc : Et puis ça ramène de l’intellectuel dans la scène, mine de rien ! (Rires) Sinon, j’ai remarqué autre chose, à chaque fois que je viens aux concerts de l’AIM, l’ambiance est très paisible, très sereine. Bon, pour autant, on sent que derrière ça assure grave. Et on retrouve moins cette ambiance un peu martiale, un peu virile (Rires) qu’on pouvait ressentir parfois par le passé (Rires). J’aimerai bien que vous en parliez un peu, parce qu’il me semble que vous êtes très sensible aux questionnements antisexistes et féministes, et que vous êtes surtout très prosélytes sur la question. C’est le changement que je constate particulièrement…

Goui : Et le changement, c’est maintenant ! (Rires)
Mathilde : Je pense que déjà, dans l’AIM, filles comme garçons, comme queer et autres, on a quand même de la chance de ne pas être trop touchés par le sexisme et on se soutient beaucoup. Il y a aussi ce coté antisexiste de base chez tout le monde, et je pense que ça aide beaucoup parce que moi j’avais l’impression dans les scènes précédentes que ça parlait d’antisexisme mais qu’il y avait quand même un blocage…

Abloc : Il fallait peut-être aussi que le temps fasse son œuvre… Ce sont des notions difficiles à intégrer, et même si on en parlait beaucoup, ce n’était pas forcément en termes de pratiques purs et durs… On prenait ça pour acquis, peut-être.

Goui : Là, par exemple, les Veuves Noires ont comme projet de faire un évènement dont elles seront motrices…
Kalem : Laisse-la parler !… (Rires)
Mathilde : Non mais c’est bien que les garçons prennent la parole aussi… (Rires)
Goui : C’est ça… en tous cas, c’est elles qui seront motrices, et nous on va juste suivre. Ca va être elles les patronnes…
Mathilde : Les barrones !
Kalem : Et puis il y a aussi toutes les affiches pour les concerts…
Mathilde : On a créée un genre de brigade antisexiste, si on peut dire, et en gros le délire c’est de faire des rondes pour tâter…
Goui et Kalem : Tâter les garçons ! Tâter les relous !
Mathilde : Ouais ! Tâter les garçons ! Tâter les comportements qui seraient trop lourdeaux. On colle des affiches quasiment à tous nos concerts ou pour les concerts d’assos voisines, avec un gros « NON » placardé noir sur blanc, et des phrases explicatives du « non », des situations qu’on pourrait traduire. Ça, ça aide à faire réagir les gens face à des comportements indésirables. On a aussi la table Veuves Noires, qui permet aux gens de venir nous voir, en cas de problème de sexisme ou autre. Si t’es témoin ou victime d’agression sexuelle, tu peux aller voir quelqu’un, t’as des référentes qui peuvent gérer ça en interne… et sans avoir besoin de passer par des garçons.
Goui : En fait, à d’autres festivals, des filles sont venues nous voir et nous expliquer que pour elles, en cas de problème, c’est pas facile de venir voir les garçons… Et du coup elles ont eu cette réflexion là et elles ont décidés qu’elles seraient un point de fixation, et comme ça si il y a un problème, les filles iront plus facilement demander de l’aide à d’autres filles. C’est plus rassurant.
Mathilde : ça fait moins manspreading d’aller voir d’autres filles que des garçons.
Goui : Et tu vois, quand on parlait d’émulation, et bien, ça, ça vient d’un voyage au Québec d’une collègue Veuve Noire. Et c’est quelque chose qui se passe au Québec où ils sont largement en avance sur ses questions féministes et antisexistes, et elle a tiré pas mal de choses de ce qui se passait là-bas.
Mathilde : On s’est pas mal inspiré du Montréal Sisterhood, qui sont des copines.

Abloc : Elles font partis de l’AIM ?

Goui : Ouais, bah en fait le RASH Québec, la Jeune Garde Québec et le Montréal Sisterhood, c’est dans l’AIM Québec.

Abloc : Et ce sont les Veuves Noires qui ont écrit l’article sur les violences gynécologiques et obstétriques ?

Mathilde : Oui, c’est ça, avec les p’tites illustrations ! (Rires) Là c’est notre partie Veuves Noires.

Abloc : Et comment vous l’avez écrit cet article ?

Goui : Sur Word ! (Rires)
Mathilde : L’écrivaine n’est pas ici… Mais clairement c’est quelque chose qu’elle a vécu parce qu’elle travaille dans le social avec des femmes.
Kalem : C’est sûr que dans un fanzine punk, ça sort des sentiers battus.
Mathilde : Là, on touche plus à l’académique qu’à la contre-culture.

Abloc : Ouais, mais ce qui est intéressant : de relier les deux, comme avec l’article sur les SCOP.

Goui : Alors c’est pour notre danseur cette question!

Abloc : Est-ce que tu peux nous dire comment ça se fait que tu aies assisté à ce congrès, ou cette discussion.. ?

Romain : Alors c’était pas un congrès, c’était une journée organisée par un collectif appelé « Causerie Populaire », avec qui je suis en contact, et puis c’était l’occasion qui faisait le larron. (Rires) J’étais à Nantes ce jour-là avec des copains, ça a donné lieu à des échanges très intéressants et je n’ai pas eu envie de le garder juste pour moi mais plutôt de le faire partager. Et puis mener aussi une réflexion sur l’investissement dans l’AIM, et en dehors, dans le monde du travail, et des grèves. C’est difficile sur un article de retracer des discussions qui vont à cent à l’heure, et que t’as limite l’impression qu’on va réussir à autogérer toute la planète en sortant de là. Et c’est difficile de le coucher sur le papier, mais j’avais envie de partager ce moment d’espoir, dans un contexte qui n’est pas forcément très facile du point de vue du droit du travail.

Abloc : Et en dehors de l’AIM, vous adhérez à des syndicats ? Vous militez ailleurs aussi ?

Romain : Pour ma part oui, dans une grande confédération syndicale…

Abloc : A la CFDT, tu peux le dire… ! (Rires)

Romain : A la CNT, qui sait ? Non, je suis à la CGT.
Goui : Bon après, il y en a qui sont syndicalistes, et d’autres qui sont plus dans des groupes autonomes. Bon, on était proche de la CNT quand on était plus jeune, dans les années 2000 et quand il n’y avait pas vingt pélos dans le cortège… quand il y avait des actions. On était des branleurs… bon, on est toujours des branleurs… ! (Rires)

Mathilde : Moi j’étais proche de la CNT à Brest, mais je ne suis pas parisienne.

Abloc : Et l’actu’ de l’AIM, c’est quoi ?

Goui : Ben, honnêtement, on a pleins de projets, mais on est en train de se structurer parce qu’il faut les gérer, justement… Et on met en place un certain centralisme démocratique (Rires), c’est-à-dire qu’on met en place des référents. Comme par exemple Romain, qui s’occupera plus des repas de soutien, d’autres qui s’occupent davantage des sound-systems de soutien. Ça peut être aussi bien pour Afrin et le peuple Kurde, mais aussi les luttes sociales à venir, ou l’anti-repression, et ça c’est plutôt Kalem et Petit Bonhomme qui vont s’en charger. Après, pour ceux qui sont plutôt dans les orgas de concert, ça sera des concerts de soutien. Les Veuves Noires sont aussi en train d’organiser certains évènements type concert.
Nico : On va aussi  préparer un atelier pour la protection des données, pour ne pas faire n’importe quoi de son ordinateur en tant que militant : les gens font n’importe quoi, parlent de tout sur facebook !…
Goui : Il y a aussi Konstroy, qui nous a demandé de tenir son émission de temps en temps. Il y a aussi un collectif qui s’appelle le Brise-Glace, et dont le but est de créer un bar associatif autogéré et antisexiste, qui soit ouvert sur le milieu militant, avec beaucoup de trucs de soutien, sur la scène musicale, avec un lieu où on puisse faire nos propres concerts, vu qu’à Paris c’est très compliqué, et puis évidemment un bar ouvert sur le quartier, avec des cours d’alphabétisation, des repas de soutien…

Abloc : Et vous pensez refaire des dates uniquement au nom de l’AIM ou bien ce sera plus comme le United We Stand, avec un collectif d’orgas ?

Goui : Les deux, même si le tampon AIM se retrouvera chez Sick My Duck ou Arak Squad, mais même pour l’AIM c’est important de nous retrouver à chaque fois.

Abloc : Et puis de marquer le territoire aussi.

Goui : c’est ça !
Kalem : On va créer un site internet sécurisé pour pouvoir échanger des infos sécurisées entre nos différentes sections, et puis, le but c’est qu’on ait notre « google map » interne qui permette d’échanger des fichiers, comme des stickers, ou le fanzine pour qu’il puisse être traduit dans différentes langues. Et petit à petit se débarrasser de Facebook, et créer une interface en plusieurs langues, en commençant par l’anglais, l’allemand, le castillan et le français, pour échanger des infos, des articles, et fédérer nos activités.

Abloc : Et bien merci beaucoup, et longue vie à l’AIM !