INT – Les vulves assassines

Vulves Assassines

Avec des rythmiques qui tabassent autant que leurs paroles [ « Les sorcières font cramer ta vieille saucisse sur le bûcher », « Derrick était un nazi », « j’aime la bite mais pas la tienne », « chômeur branleur, tu n’es jamais à l’heure »], LES VULVES ASSASSINES forment un groupe 100% féminin (ou presque ) qui se situe clairement dans la lignée des STUPEFLIP et SEXY SUSHI. L’ambiance musicale de ce premier album [ GODZILLA 3OOO ] est plutôt électro-rap avec pleins de variations tantôt plus calmes ou très dansantes. Le deuxième album devrait arriver prochainement. Merci aux VA d’avoir pris le temps de répondre à nos questions .

 

[A_Bloc] En ce moment tous les médias sont en boucle sur  « le  monde d’après », vous y croyez ?

On emploie toute notre énergie à la construction du monde d’après, donc encore heureux qu’on y croit. Depuis qu’on a UN AN on est dessus. Après notre monde d’après sera pas à la même sauce que celui décrit dans Le Point. On a une ébauche d’utopie sur notre site internet, dans la rubrique « Militer », ça pose quelques pistes intéressantes pour repenser le monde.

[A_Bloc] Les vulves assassines d’accord…. mais vous avez des cibles en prioritaires, des préférences, des techniques particulières ?

On a aimé les phénomènes comme Manuel Valls, mais malheureusement c’est comme les éclipses, c’est très rare. Des petits bijoux d’humanité. Manuel nous manque.

En ce moment, notre petite gourmandise, c’est les écolos de droite. Ils allient à merveille le mépris de classe, l’ultra-libéralisme et la petite fleur dans les cheveux, c’est délicieux. Pour la technique, on va attendre qu’ils entrent en méditation collective pour la planète et on foncera dans le tas. Propre.

Après, oui, on aimerait s’attaquer à des plus gros morceaux, les fachos qui montent, le racisme systémique, tout ça, mais sur ces thématiques on perd vite tout sens de l’humour, alors que c’est la base du projet. Il faut être un grand poète pour faire du premier degré sur de tels sujets sans mettre mal à l’aise son auditoire. On n’a pas encore assez de Jean Ferrat en nous pour se lancer dans de grandes envolées lyriques. Et puis c’est pas simple de faire danser les gens si on est sur un registre tire-larmes. Mais on ne désespère pas de trouver la façon de traiter de ces sujets pour le prochain album.

[A_Bloc] Valls l’a dit, Macron l’a redit : « Nous sommes en guerre ». On connait les armes qu’ils ont choisies : gouvernance à coup de décrets, répression, surveillance, casse sociale, … Et quelles sont ou/et quelles seront vos armes?

Notre arme est assez classique : c’est la propagande. On matraque des punch-lines qui sont en fait des slogans politiques, et comme ça, à force de concerts, le monde deviendra meilleur. Ce qui serait pratique, ce serait qu’on passe aussi sur les ondes pour vraiment asperger le pays.

Jusqu’ici on parlait chômage, consentement, IVG, état d’urgence, etc. et les prochains morceaux élargiront à la retraite, la police, le tour de France, les écolos de droite, etc. On essaye d’aborder absolument tous les sujets importants, un peu comme Ska-P qui ont un éventail si large qu’on dirait une encyclopédie bon-marché. (On sait que ça ne fait pas sérieux de référencer Ska-P, mais on a de bons souvenirs d’adolescence avec ça.)

D’ailleurs notre prochain album devrait s’appeler Das Kapital, autant vous dire que ça s’annonce très exhaustif.

[A_Bloc] Dans la présentation sur votre site de de la chanson « La cumbia de Mileva », vous faites référence à la femme d’Einstein. Pourquoi n’arrive-t-on pas à sortir de ce concept de « la femme de »: « la copine du chanteur », la fan que le guitariste se tapera après le concert », le « pas mal ce groupe…… pour  des filles » , etc ?  Autrement dit, d’après vous pourquoi les femmes sont-elles si peu représentées sur les scènes musicales et plus généralement dans tous les milieux artistiques?

On va sûrement faire nos sociologues à deux balles, il y a beaucoup de personnes mieux calées que nous sur la question… On a l’impression que si les petites filles exercent autant que les garçons une activité artistique, une fois jeunes femmes elles sont moins poussées à se professionnaliser. On nous pousse davantage vers des métiers concrets, « sérieux », et finalement la musique reste un petit hobby, un à-côté. Et puis on apprend moins à avoir confiance en nous. Il y a une montagne de groupes de musique de mecs qui sont juste le résultat d’une bonne tranche de rigolade entre copains qui répétaient dans une cave, mais qui qui osent quand même se représenter en public que le projet soit viable ou juste un loisir.

Pour les meufs, c’est plus compliqué de se sentir légitime, on peut moins se permettre d’être médiocre et de s’en foutre sinon on nous le reproche direct. Le résultat c’est que les femmes musiciennes sont moins nombreuses mais souvent elles excellent et font de la musique pointue. Et qu’on n’est pas beaucoup sur le créneau punk « DIY ». En faisant monter notre groupe de copines sur scène, on espère montrer aux petits enfants que c’est possible de faire comme nous.

[A_Bloc] Qu’est ce qui vous a donné envie de faire de la scène et que ressentez-vous quand le show démarre?

Justement, nous on aime bien se donner en spectacle dans la vie en général. On fait partie de ces personnes un peu lourdes qui parlent trop fort, qui montent sur les tables et qui chantent « chauffeur si t’es champion, appuie sur le champignon » dans le car. C’est pas de notre faute, c’est le système : on est obligé d’en faire deux fois plus que les hommes pour être entendues. C’est ce qui nous a amené à vouloir grimper sur scène qu’on soit au point ou pas. Par exemple notre premier concert ne durait que 13 minutes : on aurait pu s’en passer.

Il y a aussi qu’on en avait un peu notre claque de ne voir pratiquement que des groupes de musicos-hommes avec une jolie chanteuse à la voix d’ange. Ca n’empêche pas que les groupes soient très bons cela dit en passant, mais ça a un petit quelque chose de frustrant à la longue.

Et sinon avant d’entrer en scène, on a la bouche pateuse. Ca passe assez vite en général.

[A_Bloc] Pensez vous que la radicalité que vous portez est conciliable avec une démarche musicale pro ? Autrement dit pensez vous que les salles officielles laisseront entrer le ver dans le fruit ?

En ce moment, les salles officielles n’ont pas d’autre choix que de faire un peu de women-washing, ce qui est vraiment pratique nous concernant. Les salles officielles commencent à nous faire de l’œil et si on nous appelle régulièrement dans cette sphère pro, ce sera à nous d’être attentives : il faudrait pas que le vilain ver tourne joli papillon avec le temps. En tous cas personne d’extérieur n’a la main sur ce qu’on fait de notre musique, ni sur ce qu’on raconte dans nos textes. Donc si ça devient guimauve, on sera les seules fautives.

[A_Bloc] Pensez-vous avoir la même longévité que Michel Drucker?

On a sûrement un régime alimentaire un peu moins sain que Michel Drucker, pas sûres d’être aussi increvables que lui. Par contre on espère bien que le groupe durera jusqu’à longtemps. On a déjà une longévité assez remarquable pour voir qu’on a fait qu’un seul album pour l’instant alors que ça fait plus ou moins 7 ans qu’on existe. Ca a pris du temps mais il fallait tout apprendre, on n’avait jamais fait de musique avant. Le projet devrait bien mûrir si on continue de prendre le temps. On a un peu hâte d’être mémés, on s’imagine être des vieilles exemplaires pour la jeunesse future.

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