Qu’est-ce que l’écologie identitaire ?

Jamel

Stéphane françois travaille depuis 20 ans sur les droites radicales. On l’avait déjà sollicité pour nous parler de musique et de droite radicale. Aujourd’hui, nous publions cet article qui nous rappelle que l’écologie n’est pas « consubstantielle de la gauche, voire de l’extrême gauche ». Comprendre ce qu’est l’écologie identitaire est primordial si nous voulons empêcher son développement.


Nous proposons de revenir ici sur le contenu de l’écologie identitaire, apparue dans les années 1970 dans le sillage de ce qui a été appelé la « Nouvelle droite ». Cette écologie est inspirée par la « Révolution conservatrice » allemande, fort peu chrétienne, en particulier par sa frange la plus radicale, la mouvance völkische, dont le plus éminent représentant est le philosophe Martin Heidegger. En France, cette forme d’écologie s’est développée à compter des années 1970, dans les marges les plus radicales de l’extrême droite, notamment chez d’anciens SS, comme Robert Dun, et surtout autour de la Nouvelle Droite.

Nous entendons par « identitaire », les idéologies qui promeuvent l’existence d’une identité, culturelle et ethnique, européenne et donc par extension l’idée d’une race blanche, héritière à la fois des peuplades indo-européennes de l’Antiquité et des cultures qui en seraient nées1. Cela va des néonazis et postnazis2 (« alt-right ») jusqu’aux néodroitiers et aux identitaires à proprement parlé, héritiers des précédents. Nos différents travaux sur l’écologie d’extrême droite3 nous ont permis de relever cinq caractéristiques significatives qui permettent de définir ce qu’est l’écologie identitaire : 1/ Elle se veut identitaire dans le sens où elle promeut la civilisation et les origines ethniques européennes dont il s’agit à la fois de retrouver les sources et de protéger sa pérennité (culturelle et ethnique). 2/ Elle se veut enracinée : il s’agit de préserver les particularismes locaux et régionaux du grand ensemble ethnico-culturel indo-européen. La différence est acceptée dans le cadre d’une unité ethnique, historique et religieuse. 3/ Elle se veut païenne. Le christianisme ayant mis à mal l’harmonie cosmique de l’Homme et de la Nature propre aux religions païennes indo-européennes, il s’agit de fermer la parenthèse chrétienne. Cependant, depuis les années 2010, nous assistons dans les mouvances concernées (néo-droitières, identitaires) à un retour en grâce du christianisme, via l’élaboration d’une écologie chrétienne à la fois antimoderne et mixophobe. 4/ Elle se veut mixophobe : la « vraie » écologie (comprendre l’écologie identitaire) est une écologie des populations. Pour préserver les biotopes (comprendre les ethnosphères), il faut refuser à la fois l’installation de populations immigrées (allogènes) et le métissage sur le sol européen. 5/ Elle se veut localiste : il s’agit de consommer les productions locales. Derrière cette défense des AMAP et autres circuits courts, il s’agit de promouvoir une forme d’autarcie grand-continentale dans la continuité des théories national-révolutionnaires. Il s’agit également d’un rejet de la mondialisation économique et de l’uniformisation des pratiques culturelles.

De fait, l’écologie … est devenue à compter des années 1990 un enjeu capital de l’extrême droite »

Ces caractéristiques sont assez larges pour englober des groupes différents. Ainsi, ces idées sont développées par Les Identitaires (nouveau nom du Bloc Identitaire), par les frères ennemis de Terre et Peuple et de Réfléchir & Agir, par ce qui reste de la Nouvelle Droite, voire par des personnes se réclamant du national-socialisme comme Philippe Baillet4. De fait, l’écologie, déjà présente au sein de l’extrême droite depuis les années 1970, est devenue à compter des années 1990 un enjeu capital de l’extrême droite. Aujourd’hui, cette extrême droite s’hybride avec les autres tendances de l’écologie politique, certains thèmes (localisme, antimondialisation, rejet de la technique, etc.) devenant commun aux différentes formations écologiques5.

Cette forme d’écologie est loin d’être une mode ou un usage stratégique : elle est au contraire un point important, fondamental même, de leur pensée politique. Pour asseoir notre démonstration, nous reviendrons dans un premier temps sur l’histoire de l’écologie d’extrême droite. Puis dans un second moment, nous montrerons que ces discours s’inscrivent dans une ontologie cohérente.

Les extrêmes droites et l’écologie

Cette forme d’écologie est théorisée depuis les années 1970. À l’époque, la Nouvelle Droite ne s’y intéressait pas, le tournant écologique n’aura lieu qu’au début des années 1980. L’un des pionniers de cette forme d’écologie fut l’ancien SS français, c’est un ancien de la Division Charlemagne, Maurice Martin, connu sous le pseudonyme de Robert Dun. Cet auteur autodidacte usant de plusieurs pseudonymes – entre autres Régis Soubeyran et Fernand Chabriat – a soutenu une forme d’écologie radicale décroissante dès le début des années 1970, via notamment une revue intitulée L’Or vert. Depuis cette époque, il a publié un grand nombre d’articles faisant l’éloge d’une écologie radicale, décroissante, enracinée, racialiste, antimatérialiste, spiritualiste et néo-païenne. En ce sens, il peut être considéré comme l’un des précurseurs de l’écologie identitaire6, et surtout comme un passeur d’idées : il faisait le lien entre différentes générations de militants : les anciens nazis, la génération des militants des années 1970/1980 comme Pierre Vial, et celle des années 2000 : Robert Dun collabora à tous les numéros de Réfléchir & Agir , de l’origine de la revue en 1993 jusqu’à son décès en 2002. Lors de celui-ci, Pierre Vial lui rend hommage dans Terre et Peuple, avec un article intitulé « En mémoire/Mon camarade Robert Dun »7. De fait, Dun est également un compagnon de route de la Nouvelle Droite. À l’instar d’autres anciens SS (Henri Fenet, Yves Jeanne, Pierre Bousquet), il participa aux publications et/ou aux activités de la Nouvelle Droite, jusqu’au milieu des années 1980. Il publia d’ailleurs un livre au Livre-club du Labyrinthe (la maison d’éditions d’alors de la Nouvelle Droite), une traduction d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche8. Dun influença surtout la frange la plus völkisch de celle-ci, en particulier Terre et Peuple de Pierre Vial, Jean Haudry et Jean Mabire.

Pour comprendre l’intérêt de ces militants pour l’écologie, il faut revenir à l’histoire de la Nouvelle droite, qui a développé au milieu des années 1980 un discours écologiste. Celle-ci a des filiations avec des mouvements issus du romantisme politique. Ces derniers étaient eux-mêmes proches des premiers milieux écologistes, tels certains courants de la « Révolution Conservatrice » allemande9 des années 1920, grande référence intellectuelle néo-droitière, certains « révolutionnaires-conservateurs » se retrouvèrent ensuite dans le national-socialisme. Comme l’écrit Olivier Dard, « la “Révolution conservatrice” est sans doute une des inspirations majeure du discours néo-droitier de ces dernières années »10. De fait, la Nouvelle Droite fit beaucoup pour faire connaître ce courant intellectuel au reste de l’extrême droite française11.

au nom du risque de décadence spirituelle »

Qu’a pris la Nouvelle Droite à ce courant intellectuel ? En premier lieu, l’antimodernité. En effet, ces premiers mouvements « alternatifs » se sont présentés comme un refus du monde moderne et industriel qui émergeait alors : ils s’opposaient à l’urbanisation et à l’industrialisation de l’Allemagne au nom du risque de décadence spirituelle de celle-ci. En retour, ils prônaient un retour à la vie paysanne et la pratique du naturisme, du végétarisme et des médecines douces12. Il s’agissait donc d’une forme de réaction, voire de conservatisme13. Au sein de ce mouvement, il existait une tendance plus radicale et antisémite, les völkischen14. Ceux-ci développaient en outre une conception ethniste et enracinée de l’écologie, comme l’a mis en lumière l’universitaire suédois Mark Bassin15, qui sera reprise par nos militants identitaires, après l’avoir été par certains responsables national-socialistes, comme Walther Darré16. Jusqu’alors technocratique et productiviste, la position néo-droitière s’est renversée à la fin des années 1970, avec la redécouverte des théoriciens de la Révolution Conservatrice : « Derrière ces utopies d’une réconciliation de l’homme avec la nature, écrit Klaus Schönekäs, se dissimule une longue tradition qui, par la Révolution Conservatrice, le mouvement de la jeunesse et la “réforme de vie” renvoie au romantisme allemand »17. C’est en intégrant ces références que la Nouvelle Droite se mit à développer un discours écologiste, qui se concrétisa au début de la décennie suivante.

Les néo-droitiers ont observé que la plupart des thèmes écologistes ont appartenu ou appartiennent encore à un univers de référence plus conservateur que libéral. En effet, selon eux, l’écologie est l’héritière du romantisme plutôt que celle des Lumières. « Que l’on songe, par exemple, écrit l’ancien néo-droitier Charles Champetier, aux vertus de la vie naturelle célébrées face aux vices de la vie urbaine, à l’idée de nature conçue comme un ordre harmonieux, au refus du progrès, à la réaction esthétique contre la laideur de la société industrielle, à la métaphore de l’“organique” opposé au “mécanique” ou du “vivant” face à l’abstrait, à l’éloge de l’enracinement et des petites communautés… »18 Par conséquent, « […] la terre apparaît ici comme donatrice primordiale de l’élément nourricier et ordonnatrice d’un mode de civilisation traditionnelle que la révolution industrielle n’aura de cesse de transformer en un “monde perdu” dont le romantisme eut, le premier, la nostalgie »19. Toutefois, la Nouvelle Droite n’a pas toujours eu un intérêt pour l’écologie. Durant quinze ans, elle a fait l’éloge de la technique et du caractère prométhéen de la civilisation européenne. En effet, dans les années 1970, Alain de Benoist refusait le catastrophisme écologique tout en reconnaissant la dégradation effective de l’environnement depuis le début du xxe siècle et la responsabilité de la société marchande. À l’époque, Alain de Benoist considérait que la pensée écologique était la conséquence d’un complexe de culpabilité provenant du christianisme. Pour la Nouvelle Droite des années 1970, marquée par le positivisme, la nature reste la propriété de l’Homme. Il peut et doit donc la faire fructifier et la mettre en valeur, l’anthropiser, mais en respectant une certaine modération la préservant de la tentation prométhéenne.

« Elle promeut donc un mode de vie autarcique, antimoderne, respectant les identités régionales et folkloriques, etc. »

Dans les décennies 1980 et 1990, la Nouvelle droite, intégrant les positions völkische et antimodernes de Martin Heidegger, constatant la mondialisation naissante20, et théorisant la question identitaire, la Nouvelle Droite prend conscience que l’écologie est devenue l’un des enjeux importants de notre époque, les ravages de la société productiviste devenant flagrants et surtout planétaire. En outre, cherchant à se renouveler doctrinalement et cherchant de nouveaux alliés, Alain de Benoist s’intéresse, à la même période, à d’autres militants écologistes et antimondialistes. Ses théorisations s’inscrivent dans une conception ethnodifférentialiste des relations interethniques et écologiques. Cette évolution avait provoqué la rupture, puis le départ, d’éléments radicaux du GRECE.

En effet, il existe un courant écologiste identitaire issue d’une dissidence du GRECE, Terre et Peuple, incarnée aussi par la revue Réfléchir & Agir, tous deux proches de Robert Dun. Ce courant évolue à la fois au sein de la nébuleuse identitaire et aux marges du national-socialisme. Ce courant, très proches idéologiquement des völkischen du début du XXe siècle, se caractérise par les traits suivants : refus de la mégalopole à l’avantage de la vie dans des communautés villageoises ; éloge et défense des particularismes régionaux ; attrait pour les activités folkloriques souvent de nature païenne (célébration du solstice d’été, sapin de Noël, veillée, arbre de mai, costumes régionaux, etc.) ; éloge du naturisme et des médecines naturelles ; refus du christianisme universaliste destructeur des particularismes culturels locaux ; prône le régionalisme ; refuse le métissage au nom de la préservation des identités. Elle promeut donc un mode de vie autarcique, antimoderne, respectant les identités régionales et folkloriques, etc.

Une ontologie cohérente

Pour les militants d’extrême droite qui promeuvent l’écologie identitaire, être écologiste consiste à vouloir préserver le milieu nécessaire à la survie de l’épanouissement des espèces vivantes, c’est-à-dire, dans le cas présent, les grands groupes ethnico-culturels. Dans cette optique, les véritables écologistes sont ceux qui prennent en compte l’immigration comme un facteur déterminant de déséquilibre culturel et/ou ethnique. L’un des thèmes répandus dans les différentes tendances idéologiques de l’écologie identitaire est de concevoir les populations humaines comme des groupes ethniques essentialisés se partageant des territoires qui leurs seraient propres. En ce sens, leur écologie est une écologie des populations, régie par une mixophobie21. Cette peur du mélange est consubstantielle au différentialisme théorisé par Claude Lévi-Strauss, dans une célèbre conférence, au contenu très polémique, Race et culture, prononcée en 197122. La pensée de Lévi-Strauss est structurée par l’idée que l’esprit de fermeture et l’hostilité envers l’étranger sont des propriétés inhérentes à l’espèce humaine – donc par une forme de xénophobie, qui protégerait les sociétés de l’uniformisation, de la fin de la différence23. De ce fait, Lévi-Strauss est devenu, à son corps défendant, une référence importante pour l’extrême droite : il a ainsi inspiré l’ethnodifférentialisme radical qui est apparu dans la seconde moitié des années 1970. À partir de cette époque, le racisme « classique » a muté en un ethnodifférentialisme radical, en l’occurrence un racisme mixophobe, que nous pouvons appeler un « nouveau racisme »24.

« L’un des thèmes répandus dans les différentes tendances idéologiques de l’écologie identitaire est de concevoir les populations humaines comme des groupes ethniques essentialisés se partageant des territoires qui leurs seraient propres. »

Cet ethnodifférentialisme peut être défini comme étant à la fois un droit à la différence, et par conséquent comme un droit à la défense des identités et des cultures des peuples, y compris des immigrés sur le sol européen, et comme une manifestation de l’enracinement dans un territoire. Le différentialisme s’oppose donc à l’assimilationnisme. Il peut aussi évoluer vers un système ségrégationniste, tout mélange/contact entraînant une perte de la différence – voire vers une politique anti-immigrationniste, les immigrés extra-européens devant retourner « chez eux » pour retrouver « leurs racines »25, voire pour les plus racistes, leur environnement naturel. D’ailleurs, le retour des immigrés non européens est prôné dès le milieu des années 1980 au nom du droit à la différence et des identités culturelles26. Il se fonde également sur l’idée selon laquelle il existe des races humaines ayant leur propre genèse : ces militants promeuvent la thèse du polygénisme, c’est-à-dire l’origine multirégionale, et par conséquent multiraciale, des différentes « races humaines » et des différentes cultures27. Selon eux, la « vraie écologie » se doit de préserver cette diversité par le maintien des grandes « races » dans leur environnement naturel, comme il serait possible de le faire avec des espèces animales… Cette écologie des populations postule en outre l’incompatibilité des cultures en elles. Ces militants sont donc passés du biologique au culturel : l’immigré est rejeté non plus au nom d’arguments raciaux, mais dorénavant au nom d’arguments civilisationnels, comme l’incompatibilité des civilisations, en particulier la civilisation arabo-musulmane avec la civilisation européenne.

l’immigré est rejeté non plus au nom d’arguments raciaux, mais dorénavant au nom d’arguments civilisationnels, comme l’incompatibilité des civilisations, en particulier la civilisation arabo-musulmane avec la civilisation européenne. »

Un second grand thème écologiste, lié au précédent, est le rejet de la société libérale (et donc du progressisme), sans pour autant reprendre les vieux discours contre-révolutionnaires. L’écologie, en effet, signe la fin de l’idéologie du progrès : l’avenir, désormais, est plus porteur d’inquiétudes que de promesses28. Les dégâts du modèle occidental de société se constatent en effet dans la vie quotidienne, avec les pollutions qui touchent aussi bien les habitats que les espèces, les fertilisants chimiques dont les surplus sont véhiculés par les eaux, les pesticides, les nitrates, les déchets industriels. Surtout, la condamnation de ce modèle est associée à l’époque avec l’idée que nous vivons dans un monde plein dans lequel toutes les cultures humaines interagissent avec l’écosystème terrestre. Cette thématique est intégrée au discours de l’extrême droite à compter du début des années 1990, assimilant les thèses des décroissants ou de catastrophistes comme Hans Jonas. Ainsi, à compter de 1993, Alain de Benoist publia plusieurs articles sur l’écologie (« La nature et sa “valeur intrinsèque” »29, « Les enjeux de l’écologie »30, « Sur les deux écologies »31, « Écologie et religion »32, « La nécessaire rupture »33, « Objectif décroissance. Avant que la Terre ne devienne invivable… »34, « Quand il n’y aura plus de pétrole »35) qui furent réunis en ouvrage en 200736.

Il y également, dans cette version radicale, une nostalgie des communautés organiques paysannes et des patries charnelles, détruites par la Révolution française. Il s’agit d’une conception romantique du monde rejetant le rationalisme et le technicisme des Lumières. C’est également une défiance vis-à-vis du progrès, associée à une défense de la « wilderness », c’est-à-dire de la nature vierge de l’action humaine. En effet, derrière la défense de l’écologie, il y a chez ces militants la nostalgie d’un monde fermé, traditionnel, respectueux des particularismes régionaux et culturels. Cette vision du monde doit être analysée comme une réaction aux Lumières, à la modernité politique et philosophique, et surtout aux sociétés ouvertes37. En conséquence, elle peut et doit être vue comme un retour à un état premier, organique, dans lequel l’homme vivrait en harmonie avec la Nature.

ne plus penser que l’écologie est consubstantielle de la gauche »

Il serait donc judicieux d’avoir ces exemples à l’esprit pour ne plus penser que l’écologie est consubstantielle de la gauche38, voire de l’extrême gauche. C’est justement à cause de cette croyance que des thèses issues de l’extrême droite peuvent se diffuser dans les milieux écologistes de gauche. Une réflexion sur la nature de certaines thèses écologistes, ouvertement réactionnaires voire racistes, permettrait de clarifier le positionnement de ces militants d’extrême droite. En effet, les racines conservatrices de l’écologie doivent être prises en compte pour comprendre certaines positions, comme l’ethnorégionalisme, soutenues par ces militants écologistes d’un genre particulier, mais qui relèvent d’un imaginaire archaïque romantique. Elles doivent également être prises en compte pour comprendre l’intérêt, qui peut sembler soudain, d’une droite chrétienne, très conservatrice, catholique et identitaire, pour les thèmes écologiques39. Considérer l’écologie comme foncièrement de gauche est donc compliqué : il existe, comme nous l’avons vu dans ce texte, à la fois une écologie de droite, voire d’extrême droite, et des thèmes, des valeurs, qui sont transversaux aux clivages politiques contemporains.

Stéphane François

Notes

1 Stéphane François, Au-delà des vents du Nord. L’extrême droite française, le Pôle nord et les Indo-Européens, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2014.

2 Le postnazisme peut être défini comme un discours défendant la race blanche, au contenu antisémite et raciste (à l’instar du néonazisme), mais qui ne cherche pas à minimiser ou à nier le génocide des Juifs européens. Au contraire, les tenants du postnazisme l’assument et souhaitent « passer à autre chose » selon le mot terrible de Greg Johnson, au motif que la race « blanche » subirait aujourd’hui son propre génocide (métissage, substitution ethnique, immigration-colonisation). Greg Johnson, Le Nationalisme blanc. Interrogations et définitions, Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2017, pp. 139-180 (pour un exemple d’antisémitisme « postnazi »).

3 Stéphane François, Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite (1980-2006). Pour une autre approche, Milan, Archè, 2008 ; « La Nouvelle Droite et l’écologie : une écologie néopaïenne ? », Parlement(s). Revue d’histoire politique, nº 12, 2009, pp. 132-143 ; L’Écologie comme enjeu de l’extrême droite, Paris, Fondation Jean Jaurès, 2016 ; « L’extrême droite et l’écologie », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, n°44, 2016, pp. 187-208 ; « L’écologie par-delà les clivages politiques », in Olivier Hanse, Annette Lensing & Birgit Metzger (dir.), L’Écologie dans le clivage gauche-droite : convergences et divergences entre l’Allemagne et la France des années 1970 à nos jours, Bern, Peter Lang, 2018 (à paraître).

4 Philippe Baillet et Giovanni Monastra, Piété pour le Cosmos, Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2017.

5 Je renvoie le lecteur vers mes travaux : « L’écologie politique : entre conservatisme et modernité », Le Banquet, nº 26, 2009, pp. 183-198 ; L’écologie politique : une vision du monde réactionnaire ? Réflexions sur le positionnement idéologique de quelques valeurs, Paris, Éditions du Cerf, 2012 ; « L’antichristianisme dans l’écologie radicale », Revue d’éthique et de théologie morale, n° 270, 2012, pp. 79-98 ; avec Yannick Cahuzac, « Le culte de la “Terre-mère”, l’écologie radicale et le refus du christianisme », Politica Hermetica, n° 27, 2013, pp. 53-71 ; Le Retour de Pan. Panthéisme, néo-paganisme et antichristianisme dans l’écologie radicale, Milan, Archè, 2016.

6 Cf. Robert Dun, Une vie de combat, Saint-Etienne/Forez, Crève-Tabous, 2000.

7 Pierre Vial, « En mémoire/Mon camarade Robert Dun », Terre et peuple, n°11, printemps 2002.

8 Robert Dun (traduction et commentaires de), Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Paris, Livre-club du labyrinthe, 1983.

9 La « Révolution Conservatrice » est un courant de pensée, avant tout culturel, qui s’est développé en Allemagne après 1918 en opposition à la République de Weimar et qui se caractérisait par un refus de la démocratie et du parlementarisme. Elle peut être résumée succinctement de la façon suivante : il s’agit d’un courant de pensée, avant tout culturel, situé à droite (ou à l’extrême droite) de l’échiquier politique, qui s’est développé en Allemagne entre 1918 et 1933 en opposition à la République de Weimar. Cette « Révolution conservatrice » peut être divisée en plusieurs courants : les völkischen ; les « jeunes-conservateurs » ; les « nationaux révolutionnaires » ; Bundichen (les « ligueurs ») et enfin, le « mouvement paysan ».

10 Olivier Dard, « Contribution à l’étude des réceptions françaises de la “Révolution conservatrice” allemande : l’exemple de la douvelle droite », in Pierre Béhar, Françoise Lartillot & Uwe Pushner (dir.), Médiation et conviction. Mélange offerts à Michel Grunewald, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 64.

11 Voir Michael Böhm, « Alain de Benoist, premier révolutionnaire-conservateur authentique » in Thibault Isabel (dir.), Liber amicorum 2 Alain de Benoist, Paris, Les Amis d’Alain de Benoist, 2014, pp. 29-43.

12 La pensée de la lebensreform était fondamentalement ambigüe, à la fois réactionnaire et progressiste : émancipation individuelle, épanouissement personnel, réforme de soi mais également organicisme et intégration à la totalité. Ce mouvement critiquait l’urbanisation et de l’industrialisation et prônait en retour un « retour à la nature », son slogan. L’idée centrale était qu’un mode de vie plus proche de la nature était plus sain que celui des villes.

13 Cf. Louis Dupeux, « La version “Völkisch” de la première alternative », in Louis Dupeux (dir.), La « Révolution Conservatrice » dans l’Allemagne de Weimar, Paris, Kimé, 1992, pp. 185-192.

14 Ce courant est une forme de racialisme plus ou moins néopaïen présent en Allemagne et en Autriche durant la seconde moitié du XIXe siècle. Le terme « völkisch », réputé intraduisible en français, l’est souvent par « raciste ». La racine « Volk » signifie « peuple », mais son sens va au-delà de celui de « populaire », dans une acception foncièrement ethnique. Selon Christian Ingrao, la meilleure traduction serait « ethnonationalisme ». Il peut être compris comme nostalgie folklorique et raciste d’une préhistoire allemande largement mythifiée. Ce courant bigarré puisait ses références dans le romantisme, dans l’occultisme, dans les premières doctrines « alternatives » (médecines douces, naturisme, végétarisme, etc.) et enfin dans les doctrines racistes. La reconstitution d’un passé germanique largement mythique a éloigné les völkischen des religions monothéistes pour tenter de recréer une religion païenne, purement allemande. Toutefois, de nombreux Völkischen restent des chrétiens croyants. Enfin, il existe des völkischen « politiques » n’ayant que faire des spéculations religieuses ou spirituelles. Ce mouvement est une nébuleuse d’organisation tenantes d’un nationalisme biologisé et irrédentiste partageant outre ce nationalisme particulier trois fondements pratiquement invariables : 1/un antisémitisme presque unanime ; 2/un projet de révolution élitaire renversant la République de Weimar ; 3/la mise en place d’une politique révisionniste de restauration politique et impériale. Cf., Hubert Cancik & Uwe Puschner (Hrsg.), Antisemitismus, Paganismus, Völkische Religion, Munich, K. G. Saur, 2004 ; Uwe Puschner, Die Völkische Bewegung im wilhelminischen Kaiserreich, Sprache, Rasse, Religion, Darmstadt, Wissenschafteliche Buchgesellschaft, 2001. Nous renvoyons aussi le lecteur vers l’étude de Sabine Doering-Manteuffel, L’Occulte. Histoire d’un succès à l’ombre des Lumières. De Gutenberg au World Wide Web, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2011, en particulier le chapitre intitulé « Monde primitif et univers. L’occultisme national-populiste dans les théories de la globalité au XXème siècle », pp. 162-189 et 268.

15 Mark Bassin, « Blood or Soil. The Völkisch Movement, the Nazis, and the Legacy of Geopolitik », in Franz-Josef Brüggemeier, Mark Cioc & Thomas Zeller (eds.), How Green Were the Nazis? Nature, Environment, and Nation in Third Reich, Athens, Ohio University Press, 2005, pp. 204-242.

16 Walther Darré a développé ses thèses dans un ouvrage publié en 1934, Neuadel aus Blut und Boden, traduit en français dès 1939 : Walther Darré, La Race. Nouvelle noblesse du sang et du sol, Paris, Fernand Sorlot, 1939. Sur les thèses de Darré, en particulier écologistes, cf., Anna Bramwell, Blood and Soil. Richard Walther Darré and Hitler’s « Green Party », Bourne End, Kensal Press, 1985.

17 Klaus Schönekäs, « La “Neue Rechte” en République Fédérale d’Allemagne », Lignes, nº 4, octobre 1988, p. 139, note 34.

18 Charles Champetier, « La droite et l’écologie », in Arnaud Guyot-Jeannin (dir.), Aux sources de la droite. Pour en finir avec les clichés, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2000, p. 56.

19 Ibid., p. 58.

20 Voir par exemple le livre de Guillaume Faye, Le Système à tuer les peuples, Paris, Copernic, 1981.

21 « L’homme de la rue, qui garde un vieux fonds de bon sens malgré le bourrage de crâne que lui font subir les médias, sait qu’il y a quelques différences entre un Sénégalais et un Auvergnat. Différence ne signifie pas supériorité ou infériorité : réfutons tout de suite, au passage, cette grosse ficelle que nous opposent les “antiracistes”, qui feignent de croire que nous disons “différences” pour établir une hiérarchisation des races. Une telle hiérarchisation implique nécessairement que l’on adopte les mêmes critères pour qualifier les divers groupes de populations. Or, précisément, en nous basant sur le droit à la différence, nous reconnaissons aux peuples le droit d’avoir leurs propres critères. Cet ethnodifférentialisme intègre les caractères physicobiologiques, qui expliquent, entre autres, les capacités plus ou moins grandes de tel ou tel groupe de population à s’adapter à tel ou tel types de milieu. Est-il hérétique de dire qu’il y a quelque raison pour qu’un Congolais soit plus à l’aise au bord de son fleuve que dans les forêts de Haute-Savoie ? » Pierre Vial, Une terre, un peuple, Paris, Éditions Terre et peuple, 2000, pp. 110-111

22 Claude Levi-Strauss, Race et histoire Race et culture, Paris, Albin Michel, 2002.

23 Wiktor Stoczkowski, Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Claude Levi-Strauss, Paris, Hermann, 2008, pp. 43-62. Voir également, Denys Cuche, La Notion de culture dans les sciences sociales, Paris, La Découverte, 2010.

24 Martin Barker, The New Racism, London, Junction Books, 1981.

25 Cf., Stéphane François, Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite (1980-2006). Pour une autre approche, Milan, Archè, 2008.

26 Guillaume Faye, Éléments, nº 48-49, hiver 1983-1984, pp. 73-76.

27 Cf., Stéphane François, Au-delà des vents du Nord, op. cit.

28 Voir Stéphane François, L’écologie politique : une vision du monde réactionnaire ?, op. cit. ; La Modernité en procès. Éléments d’un refus du monde moderne, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, 2013.

29 Alain de Benoist, «La nature et sa “valeur intrinsèque”», Krisis, n° 15, 1993, pp. 113-126.

30 Alain de Benoist, «Les enjeux de l’écologie», Actes du XXVIIe colloque national du GRECE, GRECE, 1994, pp. 63-96.

31 Alain de Benoist, «Sur les deux écologies», Éléments, n° 79, janvier 1994, pp. 5-11.

32 Alain de Benoist, «Écologie et religion», Éléments, n° 79, janvier 1994, pp. 13-18.

33 Sous le pseudonyme de Robert de Herte, «La nécessaire rupture», Éléments, n° 119, hiver 2005/2006, p. 3.

34 Alain de Benoist, «Objectif décroissance. Avant que la Terre ne devienne invivable…», Éléments, n° 119, hiver 2005/2006, pp. 28-40.

35 Alain de Benoist, «Quand il n’y aura plus de pétrole…», Éléments, n° 119, hiver 2005/2006, p. 38.

36 Alain de Benoist, Demain la décroissance. Penser l’écologie jusqu’au bout, Paris E/dite, 2007.

37 Sur ce concept, voir Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis, Paris, Seuil 1979

38 Voir à ce sujet Serge Audier, La Société écologique et ses ennemis. Pour une histoire alternative de l’émancipation, Paris, La Découverte, 2017.

39 Voir par exemple, Gaultier Bès, Marianne Duranno et Axel Rokvam, Nos Limites. Pour une écologie intégrale, Le Centurion, 2014. Voir aussi les entretiens donné par ces théoriciens à un magazine comme Éléments, édité par la Nouvelle Droite. Par exemple : « La folie des grandeurs ou le règne de l’illimité. Rencontre avec Olivier Rey et Gaultier Bès de Berc », Éléments, n° 156, juillet-septembre 2015, p. 33.