Kochise, 1987 | 2005 { Part 2 }

Punk, anarchisme, utopie et espaces de vie alternatifs

drapeau noir

II – Contribuer à la construction d’une alternative politique et culturelle

1988, le groupe change de nom ; la formation a évolué, prenant une tournure plus engagée. Le nom de Kochise est choisi, certains étant alors investis dans la solidarité avec les Indiens d’Amérique, en relation notamment avec la revue Nitassinan, et en hommage à Cochise, Apache Chiricahua, symbole de la lutte contre la colonisation, aux États-Unis.

Pour le trio familial à la base du groupe, l’approche politique de la musique vient d’une première sensibilisation politique assez jeunes, notamment avec la participation à une grande manifestation antiraciste à Paris en 1985,  où nous emmène notre mère; évènement assez frappant pour des jeunes âgés de 14 à 16 ans, issus d’une modeste ville de Province, comme on dit.

Engagement politique : Antiracisme, antifascisme et anarchisme

D’abord membres d’un groupe antiraciste agenais, nous poursuivons cet engagement en nous rapprochant du Scalp (Section carrément anti Le Pen) de Toulouse, ville où l’on passe une partie de notre temps. Celui-ci correspond plus à nos attentes de par son radicalisme et sa proximité avec la scène punk et alternative française, dont on écoute les groupes phares – en tous les cas pour nous – Bérurier Noir, Ludwig von 88, Nuclear Device, Washington Dead Cats, The Brigades, Parabellum et OTH.

A Agen, nous participons aussi à un groupe anarchiste, connecté avec la Fédération anarchiste, mais qui agit en toute indépendance et autonomie, tant du point de vue de ses écrits que de ses actions : organisation de débats politiques, manifestations, collages, diffusion de la presse anarchiste, etc, à Agen, puis à Toulouse, notamment à la faculté du Mirail. Là, tous les ans c’est la grève, les manifs  et un peu de bordel. Pour se marrer aussi un peu quand-même, la petite bande que l’on est, invente des faux candidats, à base de collages sur ordi, lors des élections des représentants étudiants, dont on placarde bien-sûr les gueules partout. L’Aget/Unef finissent par y croire, alors on en rajoute en écrivant des tracts politiques, avec des fausses citations de Trotsky faites de mots incompréhensibles pour les non-initiés trouvés dans le dico et qui font savants, qu’on distribue lors de meetings. Petit extrait:

« Nous sommes à l’aube de la naissance éclosive d’un monde blastomycète où nul ne subira  plus la podocratie politique ».

L’identité anarcho-punk

Cette identité ancrée vers l’anarchisme, marque bien-sûr la démarche du groupe, qui va de fait assez vite être définie comme anarcho-punk. On la retrouve bien-sûr dans les paroles des chansons, que l’on revendique comme politisées, toujours traduites au minimum en anglais, voir en allemand et espagnol et distribuées parfois au public lors des concerts. Mais elle se fait aussi très présente dans le visuel à partir de 1992, conçu par Tapage Nocturne, le dessinateur de Peutit Keupon.

Les influences du groupe évoluent en même temps avec la découverte de l’anarcho-punk anglais à travers les groupes Conflict et Crass. La rencontre se fait par ailleurs physiquement en 1994 quand nous organisons une tournée franco-suisse Conflict/Kochise – à l’issue de laquelle sort un double EP live – en solidarité à des collectifs anarchistes et autonomes. Dans la même année, Conflict nous invitent à jouer lors d’un événement punk anarchiste à Londres, « Anarchy in the UK, Ten days that shook the world ». Incroyable moment: 10 jours de conférences, expositions, discussions sur le féminisme, la contre culture, l’anarchisme, la libération animale et d’autre thématiques encore, en plus de manifestations assez sauvages parfois, l’ouverture (et la gestion…) d’un gros squat pour loger tous les participants étrangers, la fameuse Anarchist Bookfair, des concerts, et tout ça un peu partout dans Londres. Nous sommes une petite bande à nous y rendre. A cette occasion, nous rencontrons Penny Rimbaud, Steve Ignorant (qui viendra chanter notre reprise de « Do they owe us a linving » lors d’un concert interdit à l’ambiance électrique) et Gee Vaucher, membres du groupe Crass, avec qui se construit une amitié durable et dont la démarche et le mode de vie, sont un exemple pour nous.

En effet, hormis l’esprit de contestation, ce qui nous attire dans le punk c’est  l’aspect créatif qui lui est associé, dont Crass sont  les précurseurs, dans un esprit DIY, « Fais le par toi-même ». Nous nous y inscrivons totalement par:

L’organisation de concerts : Sans subvention, en se débrouillant à louer une salle, une sono, des lights, à trouver les groupes et faire la promo : longues soirées de collages et de diffusion de tracts devant les lycées, tant qu’on est à Agen, puis dans les bars, les concerts les magasins de disques une fois que l’on est à Toulouse et à partir de 1994 à Paris, où le groupe s’est délocalisé et a vu l’arrivée de nouveaux membres et une nouvelle couleur musicale, avec notamment une mandoline et un banjo.

A chaque fois, ce sont des concerts solidaires à des luttes, car nous pensons que certes la musique est porteuse de message, mais qu’il faut aussi concrétiser la solidarité, par l’information et l’aide financière à des projets et des luttes. Nous reprenons ainsi le slogan basque « Besta bai, boroka ere bai » (la fête oui mais la lutte aussi).

Les fanzines : Sur toutes les années, Kochise a été interviewé dans une quarantaine de fanzines.

Mais pas seulement, dès le début du groupe, nous avons aussi eu envie d’exprimer nos idées sur papier, et avons sorti un fanzine dès 1987, La Revanche des Hérissons : 4 numéros, faits avec machine à écrire, ciseaux, colle et photocopies qu’on se rembourse au fur et à mesure. Autour de 200 exemplaires à chaque fois.

Cet aspect expression écrite et diffusion des idées reste prégnant, avec la participation de membres du groupe au fanzine Apache dans les années 90, ou au fanzine Barricata au début des années 2000. Puis aujourd’hui, ça continue avec Abloc!

Emission de radio :

Nous animons une émission de radio sur la radio libre Canal Sud, de 1989 à 1992, du nom de notre fanzine La Revanche des hérissons. Diffusion de musique punk et thématiques telles que la Guerre d’Espagne, l’exploitation animale, le sexisme, etc.

Les squats :

Plusieurs membres du groupe, au cours des années 90 s’investissent dans un squat à Paris, le squat Gautier vers 92, puis Brochant et Désirée à Gambetta.

Quand nous tournons en Europe, il arrive plus que souvent que des dates soient programmées dans des squats, ou nous revenons plusieurs fois sur 18 ans.

L’auto et co-production :

Si nous voulons sortir des disques, il faut nous bouger. D’abord, en 1987, nous enregistrons une petite maquette avec l’ami de l’un d’entre nous dans des conditions totalement rocambolesques et non professionnelles, afin de pouvoir faire écouter notre musique. Puis, les choses deviennent un peu plus sérieuses avec l’enregistrement d’un EP 2 titres en 1990, Viva Zapata, qui est co-produit par le fanzine label On a Faim!, animé alors par Fernando Bronchal, militant anarchiste bordelais et Jean-Pierre Levaray de Rouen, et Toxic muzic, le mini label de Tapage Nocturne.

En 1992, nous enregistrons 12 titres dans un studio proche de Toulouse : L’album Là où dansent les morts : 1000 vynils et 500 K7 12 titres que l’on co-édite avec Toxic muzic.

L’album est aussi édité en Pologne en 800 exemplaires K7, puis réédité par Maloka en split CD avec le groupe Haine Brigade à 1500 exemplaires en 1997.

1995 : Split EP Live avec Conflict, sur la tournée de soutien au mouvement anarchiste en France. 1500 exemplaires coproduits par le groupe et 5 « petits » labels.

1997 : Enregistrement à Londres et sortie de l’album Dans le meilleur des mondes, en coproduction avec Toxic muzik et Maloka. L’album est diffusé par des distributeurs anarchopunk aux USA et Angleterre, et aussi édité en K7 en Pologne.

2002 / 2003 : Autoproduction du mini Lp 6 titres et distribution Maloka : Plus dure sera la chute.

Tiens, Maloka d’ailleurs, 30 ans d’amitié et de coopération à fêter ensemble en 2018…!